Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
232ème RI
Visiteurs
Depuis la création 49 702
Albums Photos
Archives
11 novembre 2011

Un courrier émouvant

Une des pièces les plus émouvantes de mes archives familiales, que je partage aujourd' hui pour ce 11 novembre, la lettre que ma grand-mère écrivit à sa mère, le 12 novembre, alors que son demi frère, Emile, était avec le 232 dans les Ardennes, à la frontière Belge, là ou le conflit se terminait pour eux.

 

Lettre Emilie P1

 

lettre Emile pages 2et3

 

Lettre Emilie page4

" Ma petite maman bien aimée,

Un pâle soleil s' est levé hier parmi la neige mouvante des nuages. Je dis qu' il était pâle et cependant n' était ce pas le plus brillant qui ait apparu depuis bientôt cinq ans. Le soleil de novembre éclairait un beau jour de gloire , le jour que depuis longtemps nous avions rèvé. Les chauds et vivifiants rayons ont inondé le monde entier de joie et d' allégresse. Cette joie nous fut révélée par la cloche du lycée. Ce ne fut plus le glas de la mobilisation, ni le tintement mélé au long et sinistre miaulement des sirènes qui nous appelaient à chercher un refuge dans les caves au moment des alertes, mais ce fut un long et gai carillon qui nous rappela que nous vivions un moment si solennel, nous invitant à nous recueillir.

Cette cloche a plongé bien des familles dans une joie délirante, car c' était le signal de la délivrance tant demandée de leurs chers prisonniers ou de leurs chers poilus. Mais elle en a plongé bien d 'autres dans une incommensurable tristesse car beaucoup attendaient en vain le retour de leurs bien chers disparus. Moi en particulier je fus bien peinée, car la pensée de mon héroïque papa m' a suivi partout. Lui qui fut enlevé si jeune et si fort, laissant derrière lui une jeune tige si frêle n' ayant plus que comme tuteur une pauvre maman si affligée. Lui mon papa comme ses frères héros obscurs dont les noms ne seront jamais écris sur les feuillets du livre d' or ont du tressaillir dans leurs tombeaux à la nouvelle de cette suspension d' armes. Leurs morts sont vengées. Et nous devons être fiers d' eux car eux ont été fiers de faire de leurs corps une barrière infranchissable, un solide rempart contre lequel venaient se heurter les terribles engins boches. Eux n' ont pas faibli et bien nous à notre tour il faut avoir assez de courage pour ne pas faiblir et contenir la peine, le chagrin qui nous etreint. Oui un puissant chagrin s' était emparé de moi mais après avoir réfléchi et médité je retrouvai de la gaité car j' ai un grand et bon frère que nous allons retrouver sain et sauf.

Ce cauchemar, ce mot prononcé par tous " la guerre" on ne l' entendra donc plus. Cette hantise qui faisait saigner le coeur de tant de mères, de femmes, de soeurs de fiancées est donc disparue et ne reparaîtra plus? O mon Dieu c' est donc bien vrai on ne s' entretue plus ! O merci mon Dieu !!! Hier à onze heure avez vous envoyé une pensée aux derniers soldats qui s' effondrèrent au dernier coup de feu, y avez vous pensé ? Cette heure fut terrible pour tous. Mais O mon Seigneur vous les mettrez tous dans ce lieu de délices, le Paradis si envié de tous les bons chrétiens. Pour eux je vous dis sincèrement merci.

Ma petite maman tu vas en lisant cette lettre te demander si je suis folle, mais pardonnes moi car ne pouvant être près de toi pour te confier tout ce que je pense il faut que je le fasse par lettre. Au revoir ma petite maman chérie et accepte mes plus tendres baisers.

Emilie. "

 

Après avoir transcris ces pages, je reste toujours étonné par la qualité d' écriture d' une jeune fille qui n' avait alors qu' à peine plus de 15 ans.

" Lui mon papa et ses frères héros obcurs dont les noms ne seront jamais écris sur les feuillets du livre d' or " Une phrase troublante de lucidité qui reste malheureusement trop souvent d' actualité plus de 90 ans après avoir été écrite, mais aussi une motivation personnelle pour les faire sortir de l' ombre.

 

 

 

Commentaires
232ème RI
232ème RI